TRAVEL DIARIES • 2010 • CARNETS DE VOYAGE

16 years ago, the smallest country of the Great-Lakes region was hit by a genocide. 4 friends interested in African politics have decided to take a closer look at the Renaissance of the Rwandan society.

Il y a 16 ans, le plus petit pays de la région des Grands-Lacs était touché par un génocide dévastateur. 4 amis passionnés de politique africaine ont décidé de s'intéresser de près à la Renaissance de la société Rwandaise.

lundi 16 août 2010

Les brebis galeuses

Ca y est, on a trouve quelque chose qui ne fonctionne pas au Rwanda, ou plutôt, on a enfin pu le constater au grand jour. Je dis ca parce que depuis le début, on nous inonde d’informations positives sur le Rwanda: « le Rwanda est parvenu à combattre la corruption », « le Rwanda a une des plus fortes croissances d’Afrique » et j’en passe. Nous-mêmes sommes complices de cette publicité idyllique puisque nous nous évertuons, depuis le début de notre séjour, à poster des articles témoignant du développement sans précédent du Rwanda. Sauf que nous ne sommes pas dupes – pas totalement du moins-, nous savions qu’il devait y avoir un revers à cette médaille rwandaise, que le pays ne pouvait être exempt de tout reproche malgré la promotion à sens unique mise en place par le gouvernement en ces temps d’élections. Et cet événement s’est produit avant hier, samedi 14 aout a Kicukiro, quartier de Kigali.

Nous étions dans un de ces minibus ultra-bondés qui effectuent le trajet de l’aéroport au centre ville. J’étais à côté de la fenêtre et j’observais les Rwandais dans leur quotidien. Tout d’un coup, mon regard fut attiré par quelque chose qui se trouvait sur le bas-côté plus précisément dans le fossé. C’était un corps, sans vie, m a-t-il semblé, les bras en croix. Je demande à Arthur s’il l’a vu la même chose que moi mais il était malheureusement trop occupé à se battre pour son siège convoité par ses voisins. Je décide de descendre tout de suite, il fallait que je sache. En courant vers la chose que j avais aperçu, je remarque que tous les passants ignorent allégrement le corps isolé. Je m’approche et là, deux rwandais me disent : « He’s dead ». J’avais du mal à y croire, ça ne pouvait être vrai. Cet être humain était-il vraiment mort, gisait-il sans vie au vue de tous dans l’indifférence la plus parfaite? Je décide de tout de même tâter son pouls, comme pour me confirmer a moi-même que cet homme n’était plus. Et la, je sens une petite respiration. J’ordonne immédiatement a la rwandaise de 25 ans, qui, entre-temps, s’était approchée du corps pour voir ce qui se passait, d’appeler un médecin. Elle me dit tout naturellement « il ne pourra pas le payer ». Par « il », elle entendait bien entendu l’homme à terre. On – moi, la rwandaise et les deux rwandais qui pensaient l’homme mort » décide de ranimer cet homme. Il ouvre tout doucement les yeux mais s’étouffe promptement. Un des rwandais le retourne, lui fait cracher la terre et l’herbe qu’il avait dans la gorge dans la trachée et dans les poumons. Il a l’air complètement perdu, très maigre aussi puisqu’on voit qu’il ne tient plus dans son pantalon. Apres quelques minutes où il a pu boire du lait – un vrai repas ici au Rwanda-, il arrive à murmurer quelques mots. Il dit qu’il n’a pas mangé depuis deux semaines. C’est finalement après un bon quart d’heure, quelques litres de lait et de larmes coulées, qu’il parvient à nous expliquer son histoire.
C’est un jeune homme de 23 ans originaire du sud du Pays qui a été jeté dans ce fossé par les policiers la veille – selon les dires des deux rwandais qui l’avaient déjà vu étendu sur le sol la veille-. Il avait été emprisonné dans le sud du pays aux alentours du 30 juillet pour achat de stupéfiants. N’ayant reçu aucun jugement, il a été jeté dans les geôles malfamées rwandaises impénétrables aux journalistes. Avec pour seule nourriture en deux semaines quelques verres de lait, il mourrait lentement dans sa cellule. Les policiers ayant constatés qu’il n’allait pas tenir longtemps et que de toute façon, c’était un jeune sans avenir puisque accro aux drogues, ils décidèrent de le laisser mourir. Sauf que, vous comprenez bien qu’ils ne pouvaient pas le laisser mourir dans sa région, sinon quelqu’un risquait de réclamer ou de reconnaitre le corps abandonné. Ils l’ont donc déposé dans la capitale, à deux heures de chez lui, en le gavant de terre et d’herbe pour qu’il s’étouffe et meurt « plus facilement ».
Il n’arrête pas de pleurer.
La rwandaise et moi-même décidons de le mettre sur un taxi moto en direction de la gare routière et de le mettre dans un bus direction son village.
Tout ca pour dire qu’au Rwanda, il n’y a pas de rattrapage ou de seconde chance pour ceux qui ne parviennent pas a monter dans le train du développement. Tout ca pour dire que le système de justice loué par l’Europe pour son efficacité à avoir jugé les génocidaires n’est au final pas si exemplaire puisqu’il condamne des jeunes à mort indirectement. Tout ca pour dire que si on suit le fameux adage « le développement d’un pays se mesure à la gestion de ses prisons » le Rwanda a encore beaucoup de chemin à faire. Tout ca pour que tous ces jeunes ne payent pas du prix de leur vie leur « erreur » de jeunesse.

Yassin Ciyow

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