TRAVEL DIARIES • 2010 • CARNETS DE VOYAGE

16 years ago, the smallest country of the Great-Lakes region was hit by a genocide. 4 friends interested in African politics have decided to take a closer look at the Renaissance of the Rwandan society.

Il y a 16 ans, le plus petit pays de la région des Grands-Lacs était touché par un génocide dévastateur. 4 amis passionnés de politique africaine ont décidé de s'intéresser de près à la Renaissance de la société Rwandaise.

mardi 3 août 2010

Rencontre avec une réfugiée congolaise dans une taverne grecque

Brigitte. Tout juste un nom écrit à la va-vite sur un petit bout de papier. Et pourtant cette petite tâche d’encre à priori anodine allait faire couler beaucoup de larmes.

Nous avons rencontré Brigitte au coin d’une rue, ou plus précisément d’une allée marécageuse dans le bidonville de Kamwukyya où débrouillardise rime avec solidarité. Accompagnée de sa copine Angel, elle aussi congolaise francophone, Brigitte nous a tout de suite repéré, nous les «français» et fut aussitôt ravie de pouvoir s’exprimer à nouveau dans la langue de Molière qu’elle maîtrise. Toutes deux réfugiées congolaises installées provisoirement à Kampala depuis quelques années, Brigitte et Angel nous obligent à les rappeler afin qu’elles puissent témoigner de leur histoire et ainsi trouver un exutoire à ce quotidien dans la capitale ougandaise qui est devenu leur purgatoire. Cette lutte de tous les jours contre les autorités ougandaises et autres organisations s’occupant du traitement des dossiers des réfugiés s’apparente aux douze travaux d’Hercule tant il parait inhumain tout ce qu’elles doivent accomplir pour faire aboutir leur demande d'asile mais aussi l’abnégation dont elles doivent faire preuve face aux échecs du quotidien et de la lenteur qui gangrène l’administration.

Louis-Guillaume décide de donner rendez-vous à Brigitte le lendemain mais c’est finalement le sur-lendemain que nous allons à sa rencontre sur son lieu de travail, une taverne grecque paisible, cachée, bien loin du tumulte qui agite Athènes depuis quelques mois. Ca n’est que notre second interview, nous ne savons toujours pas exactement comment procéder mais nous décidons de poser nos deux caméras dans la pièce, d’offrir une boisson rafraîchissante à Brigitte et de l’encourager à nous conter son histoire dans son intégralité. Chers lecteurs, nous étions loin, très loin d’imaginer ce que nous nous apprêtions à entendre. Après s’être amusée des deux caméras un peu voyeuses à côté d’elle, Brigitte prît sa respiration et introduisit son histoire en mentionnant la mort de son mari, il y a maintenant trois ans de cela. C’était un soir de juillet 2007. Le 2 pour être précis.

Alors que Brigitte, son mari et ses trois enfants dorment déjà, des soldats pénètrent dans sa maison, tuent son mari et la violent. Cinq fois. Elle perd conscience puis lorsqu’elle reprend ses esprits, encore abasourdie, un seul de ses enfants est à ses côtés. Elle doit partir. Vite. Elle s’enfuit en courant et arrive dans un hôpital à quelques dizaines de kilomètres de chez elle qui la prend en charge. Elle y reste un mois. Brigitte n’a plus de maison, de mari et elle est sans nouvelles de deux de ses enfants. Elle ne reconnaît plus sa région, sa patrie. Hors de question pour elle de rester au Congo qui lui a volé sa vie, elle doit s’exiler. Kampala lui semble alors la meilleure solution car pas trop loin de chez elle et puis aussi car la capitale ougandaise est connue pour ses opportunités et sa modernité. Brigitte espère y demeurer que quelques semaines avant de pouvoir s’envoler vers un pays plus accueillant. Alors qu’elle pensait avoir perdu ses deux autres enfants, un miracle se produit. Un des enfants qui s’était caché dans le jardin de sa maison en attendant que les miliciens partent s’est par la suite, rendu dans la ville la plus proche où on l’a informé que sa mère s’était rendue en Ouganda, à Kampala. Il a retrouvé sa mère à Kampala. Comme un grand alors qu’il avait à peine treize ans. Depuis 2007, Brigitte tente d’obtenir un visa pour partir à l’étranger avec ses deux enfants et reconstruire sa vie complètement déchirée. Elle galère. Infirmière de formation elle fait désormais la cuisine dans cette taverne grecque car elle n’a pas pu prendre son diplôme avec elle ce fameux soir de juillet 2007. Malgré ce destin tragique hors du commun, Brigitte y croit encore. Alors que nous sommes tous les quatre complètement décontenancés à la fin de l’entretien, Brigitte nous redonne la joie de vivre avec son sourire d’ange. Elle dit que ça ira, que dieu la protège.


Yassin Ciyow

2 commentaires:

  1. Quelle histoire! Respect à Brigitte , qui malgré tout ce qui est arriver a su garder espoir. Je souhaite la meilleur suite à Brigitte et ses enfants , en croisant les doigts pour qu'ils obtiendront un visa au plus vite , pour qu'ils puisse enfin mener une vie normale.

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  2. Tout ça nous permet de relativiser nos petits problèmes quotidiens... Très touchant. Good luck brigitte, good luck les djeuns.

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