TRAVEL DIARIES • 2010 • CARNETS DE VOYAGE

16 years ago, the smallest country of the Great-Lakes region was hit by a genocide. 4 friends interested in African politics have decided to take a closer look at the Renaissance of the Rwandan society.

Il y a 16 ans, le plus petit pays de la région des Grands-Lacs était touché par un génocide dévastateur. 4 amis passionnés de politique africaine ont décidé de s'intéresser de près à la Renaissance de la société Rwandaise.

samedi 19 juin 2010

Une justice après le génocide?

L’impunité au Rwanda. Cette forme d’injustice, d’abord instrumentalisée sous l’époque coloniale, fut ensuite érigée en vraie politique nationale lors de la révolution Hutu dite d’indépendance. Ainsi, au nom de cette lutte pour l’indépendance, des milliers de Tutsis furent chassés de chez eux, expropriés et massacrés alors qu’au même moment des décrets présidentiels graciaient des milliers de brigands, violeurs et meurtriers, en majorité d’origine Hutu, coupables des crimes contre la minorité Tutsi. C’est la première grande vague d’émigration vers les pays voisins anglophones tels que l’Ouganda, la Tanzanie ou bien la RDC, elle, francophone (République Démocratique du Congo). L’impunité au Rwanda concernant toutes sorte de crimes a atteint son paroxysme durant les quelques mois précédant le génocide lorsque les centaines de voyous qui intimidaient voire tuaient les opposants au président Habyarimana furent graciés par ce dernier. L’assassinat de ce président dans des circonstances encore méconnues - rappelons que l’actuel président du Rwanda est sous mandat de plusieurs arrêts internationaux notamment Français car il serait coupable de la planification de l’assassinat - a plongé le pays dans le drame du génocide, désormais bien connu.


Le gouvernement rwandais, par le biais du Front Patriotique Rwandais (armée qui a chassé les génocidaires hors des frontières rwandaises) a fait de l’impunité et plus généralement de l’injustice en général son cheval de bataille. Paul Kagame a vite réalisé qu’il lui serait impossible de reconstruire le pays sans qu’une réconciliation ethnique à l’échelle nationale ne s’opère. En effet, les deux peuples avaient toujours fait partie de l’Histoire du Rwanda et il existait avant l’arrivée des grandes puissances coloniales une interdépendance économique entre les ethnies capable d’unifier le pays qu’illustrait parfaitement le fort taux de mariages inter-ethniques avant l’arrivée des premiers colons. C’est pour cette raison que le président Paul Kagame a souhaité que le peuple rwandais puisse lui même faire le procès du génocide, afin que l’an 0 de l’Histoire Rwandaise -année 1994- puisse commencer sur des bases «justes». Bien que le Tribunal Criminel International pour le Rwanda se trouve à Arusha en Tanzanie, les Gacacas, ces tribunaux locaux, qui amènent la victime à raconter son histoire lors du génocide afin de provoquer un effet cathartique dans le public (seul effet capable de purger la population de sa rancune et violence vécue), se développent dans tout le Rwanda. Ces tribunaux populaires traditionnels ne peuvent punir qu’une certaine catégorie de crimes commis lors du génocide - sont exclus de cette liste, les planificateurs du génocide par exemple.


Si l’efficacité de ces tribunaux, aussi bien en terme de justice que de réconciliation nationale entre les deux ethnies, parait relativement indéniable, une vague de protestations se fait entendre au sein de la diaspora rwandaise ou bien auprès des connaisseurs internationaux du pays des milles collines, mettant en avant l’instrumentalisation possible par le gouvernement de Kagame de cette justice expéditive. De plus, certains dénoncent le retour d’une forme d’injustice après la vague de lois successives passées ces dernières années par le gouvernement de Paul Kagame qui tend à imposer sa version de l’histoire rwandaise, du génocide en général. En effet, par exemple, la loi condamnant l’idéologie du génocide a surtout servi ces dernières années a muselé une partie de l’opposition qui contestait la politique autoritaire du président ou bien dénonçait son rôle présumé dans l’assassinat de l’ancien président. Dans quelques semaines se tiennent les élections au Rwanda. Si l’issue de l’élection ne fait que très peu de doutes, l’actuel président sortant va très certainement être réélu, c’est en grande partie parce que ce dernier est parvenu à écarter ses principaux concurrents de la course par le biais d’intimidations ou d’emprisonnements, la justice est-elle encore au service du pouvoir qui lui privilégie une politique ethnique aux dépends d’une réconciliation nationale pourtant ô combien indispensable au futur de la nation rwandaise?


Yassin Ciyow

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